Commission de travail section SAP du 22 décembre 2009 : Pourquoi et comment franchiser dans le secteur du SAP





I. Intervention d'Olivier GAST, Président du CEDRE

La franchise de service à la personne est considérée comme étant « le parent pauvre » de la franchise en France. La connaissance de cette pratique est très faible dans notre pays.

Mais quelles sont les faiblesses de la franchise de service à la personne ?

Deux problèmes majeurs existent dans ce type de franchise.

D’une part, le savoir-faire n’est pas brevetable. Ainsi, le risque qu’un réseau dissident se développe est très présent. Par exemple, Hertz a généré une dissidence qui est devenu Avis !  Et en France, les franchiseurs "Après la classe" ont crée une dissidence qui est devenue "Family Sphere" ! Ainsi, l’objectif dans ce type de franchise est d’aller vite, très vite. Il est indispensable de prendre de l’avance dans le développement du service par rapport au concurrent. De plus, il est nécessaire que le réseau s’ouvre à de nouveaux franchisés très rapidement afin d’atteindre une certaine notoriété. L’accroissement rapide en franchise du réseau est plus intéressant que l’augmentation des succursales, c'est une question de seuil.

D’autre part, de nos jours, les juges ont une forte tendance à requalifier les contrats de franchise quel que soit le secteur. En matière de service à la personne, la requalification en contrat de travail existe du fait de l’absence d’indépendance du franchisé par rapport au franchiseur, selon les magistrats.
En conséquence, les contrats de franchise dans ce domaine doivent être très verrouillés pour éviter les dissidences  mais pas trop non plus afin d’éviter le risque de requalification.

ACADOMIA est un très bon exemple concernant la rédaction des contrats de service à la personne. En effet, ces derniers sont composés de beaucoup de verrous, notamment concernant le savoir-faire. De plus, grâce à la théorie du mandat, ce réseau a créé une vraie franchise de service.

En matière de franchise de service à la personne, deux clauses sont essentielles : d’une part la clause de non-concurrence, qui protège le franchiseur de l’utilisation du savoir-faire par le franchisé en dehors du réseau et d’autre part, la clause pénale, au terme de laquelle le franchisé devra payer une somme d’argent au franchiseur s’il veut quitter le réseau. Dans cette activité, la « surprotection » du savoir-faire est indispensable.

Par ailleurs, la notion de « thérapie de groupe » qui provient des américains est essentielle dans tous réseaux de franchise, quel que soit le secteur concerné. Ce principe signifie que le vrai franchiseur est celui qui prend soin de ses franchisés, qui règle très rapidement les problèmes. En effet, les franchisés mécontents sont sources de dissidence dans le réseau. Cependant, le problème en matière de service à la personne est que les taux de marges sont très courts, de 6 à 8 points de marge. Or cette aide au franchisé est coûteuse. Il faut donc trouver une voie médiane.

Le contrat de franchise dans le secteur du service à la personne doit donc être verrouillé pour que le franchiseur contrôle son réseau. Mais jusqu’où faut-il mettre des verrous pour éviter les problèmes de requalification ou éviter l’utilisation du savoir-faire par le franchisé en dehors du réseau ?

L’analyse du  contrat de franchise d’ACADOMIA permet de répondre à cette question.


II. Analyse du schéma développé par ACADOMIA, Me Gilles MENGUY

Le marché des cours à domicile s’est développé très rapidement, avec des enseignes comme ACADOMIA.

Ces services ont réellement pris leur essor grâce au mécanisme de la réduction fiscale prévue par l’article 199 sixdecies du Code Général des Impôts.

En parallèle, le Code du travail a été adapté, un nouveau chapitre IX étant dorénavant consacré « aux services à la personne ». En vertu des articles L129-1 et suivants du Code du travail, le « marché » des services à la personne, initialement animé par des associations, a été ouvert à l’entreprise.

La nouvelle condition posée avant de commencer toute exploitation dans ce secteur est l’obtention d’un agrément délivré par l’Etat.


M. Gilles Menguy, Avocat & Solicitor, Gast & Associés, en pleine action


Les deux types de franchise existants dans ce domaine

En examinant les différents réseaux de franchise dans ce domaine, nous ne pouvons que constater l’existence de flux financiers et de liens de droits très complexes, les acteurs étant multiples : le franchiseur, le franchisé, les personnes physiques exécutant les prestations, les familles, l’URSSAF, le Trésor Public.

Pour organiser les rapports entre ces différents intervenants, deux types de franchise coexistent : le modèle dit « prestataire » et le modèle dit « mandataire ».

L’essence du premier modèle de franchise réside dans le fait que les personnes physiques exécutant les prestations pour le client final sont des salariés du franchisé. Dans ce premier groupe, les règles de fonctionnement de la franchise sont classiques :
-    la transmission d’un savoir-faire du franchiseur au profit d’un franchisé
-    une assistance initiale et continue
-    et l’usage d’une marque / enseigne.

Sur le plan financier, le franchisé perçoit ses honoraires du client final. Le franchisé paie au franchiseur les redevances dues.

Le deuxième modèle est formé de réseaux de franchise dits « mandataires ». Le franchiseur à construit son modèle économique dans le seul but de conservation durable du pouvoir :
(1)    le franchiseur contrôle l’ensemble des flux économiques puisque l’intégralité des sommes versées par les clients est déposée sur un compte géré exclusivement par le franchiseur ;
(2)    le franchiseur a mis en place un système informatique par lequel les ordinateurs utilisés chez le franchisé sont de simples terminaux, entièrement contrôlés à distance par le franchiseur, toutes les informations sur les familles et les professeurs étant conservées par le franchiseur ;
(3)    le franchiseur domine les liens de droit existants avec la famille, les professeurs, et l’URSSAF, par un système de double mandat.

En premier lieu, les professeurs et les familles mandatent le franchisé afin de réaliser des prestations :
-    les professeurs mandatent le franchisé pour les mettre en rapport avec des familles et les assister par la fourniture d’outils pédagogiques ;
-    les familles mandatent le franchisé afin qu’il sélectionne le professeur, et gère la relation de travail au nom et pour le compte de la famille qui est l’employeur du professeur.

En second lieu, le franchisé dans le corps même du contrat de franchise, mandate le franchiseur afin que ce dernier, concrètement, se substitue au franchisé dans l’ensemble de ses engagements vis-à-vis des familles et des professeurs. Ainsi, seul le franchiseur gère réellement le dossier de chaque professeur en éditant les fiches de paie, en payant les salaires et les cotisations. Le franchiseur édite également les attestations fiscales remises aux familles en mai de chaque année destinées à être jointes à la déclaration de revenus pour bénéficier de la réduction d’impôt.

A l’origine, les parents achetaient un coupon qui correspondait à une prestation. Le coupon était ensuite donné au professeur en échange d’une heure de travail. Ce coupon matérialisait ainsi le contrat de travail unissant le professeur aux parents. Cette méthode du coupon s’est avérée problématique pour différentes raisons (perte du coupon, utilisation reportée...).

Aujourd’hui, pour payer le professeur, un ordre est donné sur une plateforme, un portail au niveau du franchiseur, qui paie lui-même le professeur.
Ainsi un mandat d’encaissement est en plus donné au franchiseur. L’argent est viré sur le compte bancaire du franchiseur, avec un numéro de compte par franchisé. Le franchiseur gère l’ensemble de l’argent par points de vente.

Quand le paiement a lieu, la moitié correspond aux charges sociales, une partie correspond à la marge du franchisé, une partie est le salaire du professeur et une autre correspond à la redevance.
Le bénéfice de cette méthode réside dans le fait que le franchiseur va pouvoir garder le restant de la somme et ne va payer l’Etat et le professeur que lorsque la prestation sera réalisée.

De plus, dans son nouveau contrat de franchise, ACADOMIA inclut désormais les charges sociales dans l’assiette du calcul de la redevance alors qu’avant il ne prenait en compte que la marge du franchisé.

Le contrat précise également que les franchisés doivent réaliser un certain nombre d’heures par an : 8000 heures la première année, puis entre 20 et 25.000 heures les troisième et quatrième années.

ACADOMIA est le seul à avoir réussi à transposer, en France, le système de service à la personne, à « l’américaine »...

En conclusion, dans ce modèle, le franchisé peut se concentrer sur l’animation du point de vente, la réception physique tant des familles que des professeurs. Le franchisé s’appuie pour tout le reste sur le franchiseur qui a su développer de très puissants outils informatiques et logistiques qui seuls lui permettent de gérer les milliers de professeurs exécutant des cours à domicile à travers la France.

Le risque de requalification découlant de l?excès de contrôle

Le modèle dit « mandataire » permet certes au franchiseur de conserver un contrôle réel sur le franchisé et la clientèle du franchisé. En pratique, il suffit que le franchiseur suspende le lien informatique pour empêcher le franchisé d’exploiter sa franchise !?

Sur les flux financiers, les sommes destinées au règlement des paies des professeurs, de l’URSSAF et autres organismes sociaux sont sur le compte du franchiseur. En vertu du système du mandat inclus dans le contrat de franchise, le franchisé confie en effet au franchiseur le mandat de gérer cette question en ses lieu et place. Le franchisé est donc entièrement tributaire de la coopération du franchiseur pour assurer le règlement des paies des professeurs et des cotisations dues.

Si le contrat de franchise est suspendu ou interrompu, le contrat de mandat inclut dans le contrat de franchise est ipso facto suspendu ou interrompu. Le franchiseur devrait en conséquence restituer les sommes qu’il avait conservées es qualité de mandataire du franchisé.

Or, le contrat de franchise ne prévoit pas toujours la restitution de ces sommes et le franchiseur ne prend pas l’initiative de restituer ces sommes au franchisé. Ce dernier est pourtant le gardien juridique des sommes confiées au franchiseur. En effet, le franchisé est propriétaire de sa clientèle. Le franchisé a signé, tant avec la famille qu’avec le professeur par acte séparé, un contrat de mandat aux termes duquel il prend la responsabilité exclusive, es qualité de mandataire des familles et des professeurs, de gérer le volet social. Il n’est pas anodin de préciser que les modèles d’acte de mandat signé entre le franchisé, les familles et les professeurs sont édités par le franchiseur.

Ces précisions nous interpellent quant à la nature réelle du rapport juridique mis en place par le franchiseur :
- le franchisé, en effet, ne peut pas exercer son indépendance n’ayant pas le contrôle des flux financiers. Les règlements des familles sont faits habituellement au nom du franchiseur, les sommes étant versées directement sur le compte du franchiseur sans être remises à l’encaissement du compte du franchisé,
- le franchisé agit exclusivement comme animateur du point de vente, en prenant les commandes des parents,
- le franchisé ne peut ouvrir le point de vente que s’il est agréé par le franchiseur,
- l’économie du contrat conduit en réalité le franchiseur à gérer la facturation et les prix.

Le risque de requalification est donc sérieux, plusieurs qualifications pouvant être envisagées, en particulier celle d’agent commercial et celle de l’article L 751-1 du Code de travail.

En cas de requalification es qualité d’agent commercial, la sanction est redoutable. La jurisprudence sanctionne le mandant, en cas de résiliation anticipée du contrat, à indemniser l’agent. Le seul moyen d’échapper à cette sanction est de démontrer la commission par l’agent d’une faute grave. Ce fait exonératoire de responsabilité n’est pas facile à établir.

En cas de requalification sous le visa de l’article L 781-1, la voie judiciaire est ouverte pour solliciter la nullité du contrat pour vice du consentement par exemple, le franchisé se retrouvant sans clientèle alors qu’il avait signé le contrat pour, à terme, créer un fonds de commerce qui lui appartienne.




En conclusion

Un franchiseur souhaitant se développer dans ce nouveau marché doit-il offrir à la signature un contrat de franchise lui assurant un contrôle réel, mais mesuré, sur le franchisé ? L’écueil à éviter est donc celui d’un contrat exerçant un contrôle excessif sur le franchisé. Cela laisserait le champ libre au franchisé pour agir en requalification. Cependant, comme nous l'avons analysé, le système ACADOMIA est une nouvelle voie qui peut servir d'exemple pour l'avenir d'un « business model » très intéressant !

Florence Renaudin
Stagiaire
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