Commission d'affiliation Mardi 27 octobre 2009 : Historique et enjeux de l'affaire Chattawak





QUEL AVENIR POUR LE CONTRAT DE COMMISSION D'AFFILIATION
Le monde du textile en émoi ! Les enseignes présentes (une quinzaine) lors du dernier atelier sur la commission-affiliation, toutes concentrées, sur les solutions futures en cas d’annulation du contrat de commission-affiliation par la Cour de Cassation dans l’Affaire Chattawak.


Etaient présentes : Petits Petons, Guild Invest, Wolford, Gerard Darel, la Redoute, Sandro, Agapes Restauration (groupe Mulliez), Gadol Optic 2000, la Compagnie des Petits, Un jour Ailleurs.



Me Gilles Menguy en action ! Le Président du Cèdre, Olivier Gast Me François Farkas



Didier Marel, Petits Petons, et Olivier Alexandre, Un jour Ailleurs


Le cocktail toujours convivial permet
aux directeurs de réseaux de se rencontrer
et aux partenaires du Cèdre d’échanger.


La Cour de Cassation va-t-elle tuer la commission-affiliation ? En cas de requalification du contrat de commission-affiliation Chattawak en contrat d’agent commercial, comment les franchiseurs devront-ils gérer « l’after » ?


Sujet exceptionnel sur lequel la commission du Cèdre du 27 octobre dernier a planché pour trouver des solutions concrètes et immédiates.


Compte-rendu Technique et Juridique de la commission du Cèdre du 27 octobre 2009 THEMATIQUE : « HISTORIQUE ET ENJEUX DE L'AFFAIRE CHATTAWAK »

Depuis quelques années, nous assistons à une tendance commune des tribunaux à requalifier des contrats de distribution en contrat de travail ou d’agent commercial en invoquant, soit l’immixtion excessive de la tête de réseau, soit une intégration trop poussée du franchiseur à l’égard de ses  franchisés.


Il suffit de se reporter aux dernières décisions rendues par la jurisprudence portant sur la requalification en contrat de travail des contrat de gérance-mandat de la chaîne d’Hôtel B&B ou des contrats de location-gérance de la chaîne YVES ROCHER pour prendre conscience de ce phénomène.


La remise en cause de l’esprit du contrat de franchise n’est pas un élément nouveau. Ce système, créé par la pratique, a toujours été fragile.


Suite à son émergence dans les années 80, il fut violemment contesté par certains au regard de l’effet restrictif de concurrence de ce type d’organisation avant d’être validé en 1986 par l’arrêt PRONUPTIA.


En reconnaissant la notion de « savoir-faire » et des clauses essentielles du contrat de franchise, la Cour de Justice des Communautés Européennes reconnaissait le bien  fondé d’un modèle économique performant qui justifiait quelques « entorses » au principe d’une concurrence pure et parfaite.


Aujourd’hui, c’est le contrat de commission-affiliation qui doit affronter une période de turbulence suite à l’arrêt de renvoi de la Cour d’appel de PARIS du 9 avril 2009 qui requalifie en contrat d’agent commercial, le contrat d’une ancienne affiliée CHATTAWAK d’Annecy.



Le contrat de commission-affiliation superpose deux contrats : la commission et l’affiliation.


Le commissionnaire es qualité de commerçant agit en son propre mais pour le compte du commettant. Il s’affilie à un réseau qui lui accorde le droit d’utiliser sa marque tout en lui transmettant un savoir-faire et une assistance.


Dans un environnement concurrentiel exacerbé tel qu’il existe dans le secteur du textile, le contrat dit de « commission-affiliation » s’est rapidement imposé face au contrat de franchise traditionnel.


Le principe de la commission consiste pour le franchiseur à placer le stock directement chez son affilié avant de le rémunérer par une commission.


Le réseau gère en direct, le coût, la composition du stock sélectionné,  son prix de revente, son renouvellement rapide tout en épargnant à l’affilié la charge financière de son acquisition.


Autre avantage, le commerçant est libéré d’une partie de son travail traditionnel d’approvisionnement tout en bénéficiant d’un rapprovisionnement régulier lui permettant de suivre dans des délais très courts la demande de sa clientèle.


Le commerçant perd en indépendance ce qu’il gagne en sécurité et en réactivité face à un marché en perpétuelle évolution.



I. HISTORIQUE ET ENJEUX DE L'AFFAIRE CHATTAWAK


Les derniers développements de l’affaire CHATTAWAK sont-ils de nature à remettre en cause l’existence même du contrat de commission-affiliation comme certains le prédisent ou simplement à en redessiner les contours ?
Des interrogations se manifestent auprès des rédacteurs de ces contrats :
-    Faut-il continuer à élaborer des contrats de commission-affiliation ?
-    Si oui, comment faut-il les rédiger ?
-    Quelles sont les clauses à supprimer afin d’éviter une requalification ?
-    La libéralisation de ces contrats ne risquerait-elle pas de porter préjudice aux réseaux en  encourageant d’anciens affiliés à  créer des magasins dissidents ?

Rappelons brièvement les principaux développements de l’affaire.


Un ancien affilié avait souscrit avec la société de prêt-à-porter CHATTAWAK un contrat de commission-affiliation lui permettant d’utiliser la marque CHATTAWAK à titre d’enseigne et de disposer d’un stock de marchandises directement défini et financé par l’affilieur.


En fin d’année 2002, l’ancien affilié décidait de céder son droit au bail et de déplacer son fonds sans accord préalable de l’affilieur.


Suite à la résiliation de son contrat, l’ancien affilié assignait la société CHATTAWAK en paiement d’une indemnité de cessation du contrat  et sollicitait à cette fin la requalification de son contrat en agence commerciale.


Les juges se trouvaient confrontés à la question suivante : les termes du contrat et les conditions de son application justifiaient elles la requalification du contrat de commission-affiliation ?


Un premier élément de réponse fut apporté par la Cour d’appel de PARIS dans un premier arrêt en date du 13 septembre 2006 dans lequel la Cour tranchait en faveur de l’ex-affilié considérant que la qualification de commission ne correspondait ni à l’économie  du contrat ni à l’ensemble de ces conditions d’exécution.


Les principaux motifs évoqués par la Cour d’appel pour prononcer la requalification étaient les suivants :
-    les tickets de caisse de l’affilié portaient le nom de CHATTAWAK,

-    le magasin portait l’enseigne CHATTAWAK et le distributeur utilisait cette dénomination dans toutes ses relations avec les fournisseurs,

-    la recette de l’affilié était encaissée directement sur le compte de la société CHATTAWAK.


Or, le commissionnaire agit en son nom personnel et pour le compte du commettant tandis que le mandataire agit au nom et pour le compte du mandant.


La Cour d’appel en tirait la conclusion que l’ex-affilié intervenait en droit et en fait pour le compte et au nom du fournisseur et devait par conséquent se voir reconnaitre la qualité d’agent commercial.


La société CHATTAWAK s’étant pourvu en cassation, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel  au motif que le contrat conclu entre la société CHATTAWAK et son Affilié stipulait que l’Affilié était « un commerçant indépendant propriétaire de son fonds de commerce » alors que  « la qualification d’agent commercial est incompatible avec le fait d’être propriétaire  du fonds de commerce ».


En réalité,  la Cour de Cassation ne remettait pas en cause l’analyse faite par les premiers juges qui avaient requalifié le contrat de « commission-affiliation » en « contrat de mandat», dès lors que le commissionnaire-affilié « se trouvait contractuellement et dans les faits tenus d’agir non seulement pour le compte mais aussi au nom du commettant».


La Haute juridiction statuait « en pur droit » constatant une contradiction dans les termes même de la motivation rendue par la Cour d’appel.


Elle estimait que la cour d’appel ne pouvait à la fois qualifier le commissionnaire « d’agent commercial » tout en relevant qu’il était selon les termes du contrat « un commerçant indépendant propriétaire de son fonds de commerce. »


La qualité d’agent commercial est incompatible avec la possession d’un fonds de commerce : l’agent commercial exerce une activité civile, il ne peut être propriétaire d’un  fonds de commerce.


Dans son arrêt de renvoi du 9 avril 2009, la Cour d’appel confirme la requalification du contrat en contrat d’agence commerciale.



La clause contractuelle litigieuse stipulant la propriété du fonds de commerce par le commerçant est purement et simplement écartée par la Cour de renvoi qui estime que la clause était de pure forme et seulement destinée à faire échec à l’application du statut d’ordre public d’agent commercial.


La lecture de l’arrêt démontre avant tout que la Cour de renvoi se fonde sur une analyse précise des conditions de fait dans lesquelles l’activité est exercée par le cocontractant pour déterminer s’il relève ou non du statut d’agent commercial.
Dans ses attendus, la Cour précise que :


« il résulte des éléments versés au débat et dont l’essentiel a été rappelé plus haut, que la plupart des éléments susceptibles de composer le fonds de commerce appartenaient à la société CHATTAWAK ou étaient étroitement contrôlés par celle-ci spécialement l’enseigne, le matériel et le stock. »


Elle rappelle que l’application du statut d’agent commercial ne dépend pas de la dénomination donnée au contrat ou à certaines clauses contractuelles insérées dans la convention  mais des conditions dans lesquelles le contrat litigieux a été exécuté entre les parties.


En conséquence, la Cour décide de confirmer la requalification et condamne la société CHATTAWAK à verser à l’ex-affilié une indemnité de rupture conformément aux articles L.134-12 et L.134-13 du Code de commerce applicable à l’agence commerciale.


Courant 2010, la Cour de Cassation sera appelée à se prononcer une ultime fois par un arrêt en Assemblée Plénière.


Sans préjuger de la décision à intervenir de la Haute juridiction, il semble peu probable que la Cour de Cassation désavoue la juridiction de renvoi suite à la mise en conformité de la motivation de l’arrêt de la Cour de renvoi.


Si la requalification d’un contrat de commission-affiliation en contrat d’agent commercial entraîne le versement à l’ex-affilié d’une indemnité de rupture pour un montant équivalent à deux années de commission, il n’en reste pas moins vrai que ce dernier perd de facto la propriété de son fonds de commerce et se trouve privé du bénéfice du statut des baux commerciaux.



II. QUEL AVENIR POUR LE CONTRAT DE COMMISSION D'AFFILIATION

Aujourd’hui, la décision CHATTAWAK porte en elle le risque de requalification.
Dans l’attente du prochain arrêt en dernier ressort de la Haute juridiction les différents acteurs économiques restent dans le sentiment d’une d’incertitude juridique sur le devenir du contrat de commission-affiliation.


Nombre de réseaux organisés en commission-affiliation sont exposés au risque de requalification au  regard des clauses insérées dans les conventions en cours avec leurs propres affiliés.


Il convient sur ce point d’entamer une véritable réflexion sur les aménagements contractuels susceptibles de placer les réseaux structurés sous le mode de la commission-affiliation à l’abri d’un risque éventuel de requalification.


Comment se protéger des risques de requalification ?


Plusieurs pistes de réflexions s’offrent aux rédacteurs des contrats et ont été évoqués au cours de la discussion :
1)    A minima, il conviendrait de réaménager le contrat initial de commission-affiliation en tenant comptes des indications récentes de la jurisprudence. En d’autres termes, il conviendrait de partir de chaque contrat, identifier toutes les  « clauses à risque » avant de les aménager ou de les modifier pour  les rendre propre à « résister » au mieux  à toute tentative de requalification.
2)    Il serait envisageable de rédiger des contrats de commission-affiliation en s’inspirant du modèle de l’agent commercial tout en l’adaptant. ces contrats ont un statut légal, cette profession est protégée par la loi.
3)    De même, il serait pertinent de travailler sur la notion de mandat. La modification des contrats de commission-affiliation pourrait se réaliser  par leur adaptation au concept du mandat en référence aux articles 1984 et suivants du Code civil.
4)    Une autre solution serait d’instaurer l’insertion systématique de clauses d’arbitrage dans les contrats de commission-affiliation. Le recours à l’arbitrage représente un investissement important susceptible d’éviter des actions en requalification trop systématiques et abusives.
5)    Pourquoi ne pas davantage réfléchir à la mise en œuvre de clauses de sorties ou de  non-concurrence susceptibles de dissuader l’affilié de se rapprocher trop rapidement d’un autre réseau concurrent.
La jurisprudence dans le secteur du droit de la distribution évolue régulièrement et il n’est en rien choquant que le renouvellement des contrats de commission-affiliation entraîne leur adaptation au droit et à la jurisprudence en vigueur.
Les contrats de commission-affiliation sont consentis pour des durées importantes de l’ordre de 7 années.


Le contrat de franchise se fonde sur le concept du savoir-faire, notion en perpétuelle évolution auquel tout contrat doit s’adapter.



A ce jour, l’objectif prioritaire de  tous les directeurs de réseaux doit être  faire évoluer les contrats de commission-affiliation vers davantage de libéralisation et rendre les affiliés d’un point de vue juridique plus indépendant tout en maintenant le contrôle et la cohérence du réseau. Sur le paradoxe de la requalification en agent commercial qui priverait  l’ex-affilié de la propriété commerciale et par voie de conséquence, de la propriété de sa clientèle et du bénéfice du statut protecteur des baux commerciaux


Les conséquences de la requalification ne se limitent pas aux seuls effets visibles de l’attribution d’une indemnité équivalant à  deux années de commission : elles soulèvent des questions essentielles dans l’intérêt même des affiliés au regard du  préjudice patrimonial  qui pourrait résulter de la mise en œuvre d’une politique trop systématique de requalification.


A contre-courant de la revendication du droit par le franchisé de revendiquer la propriété de sa clientèle matérialisée par la jurisprudence TREVISAN, l’orientation actuelle de la jurisprudence vers la requalification en agence commerciale réduit à néant toute velléité de l’exploitant de revendiquer  un bien patrimonial représentée par la clientèle développée au cours de son activité.


L’affilié ne serait plus en mesure de revendre son fonds avec profit en fin d’activité.


La jurisprudence TREVISAN avait également pour conséquence de reconnaître aux franchisés le bénéfice du statut des baux commerciaux.


Or, le statut d’agent commercial exclut tout bénéfice pour l’affilié du statut des baux commerciaux !!! (Voilà un argument juridique que les enseignes pourront faire valoir devant les tribunaux pour prendre à « contrepied » les commissionnaires-affiliés imprudents…)


Les conséquences de la perte par l’ex-affilié de la propriété commerciale ne manquent  pas de soulever un certain nombre d’interrogations sur les répercussions pratiques du transfert de la propriété du fond de commerce au profit du franchiseur notamment sur le sort du bail commercial du local d’exploitation.


Le transfert de la propriété du fonds de commerce au profit du franchiseur, la perte de la clientèle et de la  qualité de commerçant indépendant par l’ex-affilié privé par ailleurs du bénéfice du statut des baux commerciaux, invitent les dirigeants de réseau à concevoir des stratégies « gagnantes » pour dissuader ou gérer au mieux les velléités de certains de leurs affiliés d’entamer des procédures de requalification préjudiciables   à l’ensemble du réseau.


Paradoxalement, la requalification en agent commercial présentée comme une  victoire sur le dirigeant de réseau aboutit en pratique à des conséquences coûteuses pour l’affilié. Il appartient aux dirigeants  de réseaux de communiquer cette réalité à l’ensemble de leurs affiliés.


Me Gilles Menguy Avocat & Solicitor Gast & Associés
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