Commission juridique du CEDRE et cabinet Vogel & Vogel Mercredi 6 novembre 2013 : Contrat de franchise : Les enjeux juridiques et financiers de la rupture brutale des relations commerciales établies Nouvelles jurisprudences, nouvelles clauses





CEDRE

 
 
Le CEDRE vous invite à sa prochaine commission permanente juridique
THEME : " Contrat de franchise : Les enjeux juridiques et financiers de la rupture brutale des relations commerciales établies
Nouvelles jurisprudences, nouvelles clauses "


Le mercredi 6 novembre de 17h à 21h
LIEU : Cabinet Vogel & Vogel - 30, avenue d’Iéna 75116 Paris
 

L’évolution récente de la jurisprudence de la Cour de Cassation tend à imposer une vision plus protectrice des intérêts de la partie la plus faible dans le cadre de la rupture brutale des relations commerciales établies. L’accélération du rythme économique est source, de plus en plus, de brutalité dans la rupture des relations commerciales, même établies, et tout un chacun peut courir à la chasse du toujours meilleur partenaire ! « Infidélité oblige » !
Dans ce contexte, il est très important d’apprécier « ex ante » (au préalable) ce qui caractérise une rupture brutale de relations commerciales établies et ses sanctions éventuelles, et d’anticiper les moyens de défense et les précautions à prendre.
Après une présentation du contexte juridique et financier par Olivier Gast, Me Joseph Vogel présentera l’état du droit ainsi que les changements à opérer en la matière.

 
PROGRAMME

17h00: Accueil des participants

17h15: Les problèmes liés au renouvellement du contrat de franchise et les enjeux juridiques et financiers de la rupture des relations commerciales établies
Olivier Gast, Conseil expert en franchise, Président du CEDRE

17h45: Les enjeux juridiques et financiers :
  • Rupture brutale et préavis
  • Sanction de la rupture brutale
  • Point jurisprudentiel
  • Conseils pratiques
Me Joseph Vogel, associé fondateur du cabinet Vogel & Vogel
Pour en savoir plus, cliquez ici

20h00: Débat

20h15: Conclusion et cocktail
 
 
 
COMPTE RENDU GENERAL


Intervention d’Olivier Gast – Introduction

Il est de tradition au CEDRE de commencer par annoncer les futurs ateliers du CEDRE, qui se dérouleront aux dates suivantes :

J’ai par ailleurs publié un article au mois de novembre sur mon Blog « En toute franchise » dont je recommande la lecture. On peut tout faire dire aux chiffres mais on peut aussi beaucoup faire dire au droit. Sur une période de 20 ans, la jurisprudence est souvent passée d'un extrême à l'autre, notamment sous l’influence du solidarisme contractuel.



Cet article fait suite à la polémique doctrinale entre les courants solidariste et volontariste. Comprendre le droit nécessite de comprendre les rapports idéologiques et politiques. Cette polémique a été initiée par Serge Meresse, qui vient de sortir un communiqué dans le dernier numéro de Franchise Magazine dans lequel il plaide pour la franchise solidaire, c’est-à-dire un renversement de l’équilibre des pouvoirs au profit des franchisés. Dans ce communiqué, il écrit que « tout changement capitalistique chez le franchiseur doit recevoir l’aval des franchisés ». C’est oublier que s'il n'y a pas de franchiseur, il n’y a pas de franchisé. Le combat dans le cadre du CEDRE est de tout faire pour relancer et donner vie à l’activité et au rôle moteur des entrepreneurs, et de leur donner l’espoir de se développer et de réussir capitalistiquement.

Dans le contrat de franchise, la rupture des relations commerciales présente un risque notamment lorsqu’on ne veut pas renouveler le contrat de franchise. Ce risque peut être modéré si on prévoit et respecte des délais de préavis et des périodes pour avertir le franchisé suffisamment à l’avance. Dans ce cas, la jurisprudence de la Cour de cassation respecte le contrat. Mais dans de nombreux cas, le processus contractuel n'est pas forcément suffisant. Il est donc très important de connaître l’état du droit.

Je laisse la parole à Joseph Vogel, avocat spécialiste de ces questions.



Intervention de Joseph Vogel - Enjeux juridiques et financiers de la rupture brutale des relations commerciales établies – Nouvelles jurisprudences, nouvelles clauses

Le thème de la rupture brutale des relations commerciales établies est de plus en plus important dans le déroulement de tous les contrats, dans les relations aval avec les distributeurs mais aussi amont avec les fournisseurs des fournisseurs. On rencontre ce problème à tous les stades de la production et de la distribution. Une même entreprise peut avoir ce problème en aval et en amont avec ses propres fournisseurs. Ce thème fait désormais partie de la culture juridique générale et les erreurs peuvent coûter cher.

Pour passer en revue ce qu'il faut savoir, nous examinerons les points suivants :
  1. L’origine du texte, son fonctionnement, l’évolution assez inquiétante du dispositif ;

  2. L’étude, en détails, de la notion de rupture brutale de relations commerciales établies ;

  3. Les sanctions de la rupture brutale de relations commerciales établies ;

  4. Et pour finir, un rappel de quelques conseils pratiques.




I. L’origine du texte, son fonctionnement, l’évolution assez inquiétante du dispositif

L’interdiction de rompre brutalement les relations commerciales établies a été introduite en droit français par la loi nº 96-588 du 1er juillet 1996, dite loi Galland. L’article L. 442-6, I, 5º du Code de commerce dispose :
I.- Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
[…]
5°De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. »


Avant que la loi Galland n'existe, parfois, les personnes qui se plaignaient de la brutalité d’une rupture invoquaient l’article 1382 du Code civil, selon lequel « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Toutefois, ce fondement juridique n’était pas du tout aussi efficace que l’actuel article L. 442-6, I, 5º du Code de commerce.

Depuis 1996, si l'on est en relations commerciales avec un partenaire, il n’est pas possible de les rompre sans préavis suffisant, tenant compte de l'ensemble des relations commerciales, sauf en cas de faute grave. A l’origine, le législateur voulait protéger les fournisseurs de la grande distribution (souvent victimes de déréférencements sans préavis) mais le texte est écrit de façon très générale si bien que, très rapidement, il a été appliqué à des fournisseurs, y compris des franchiseurs, qui mettaient fin à un contrat avec des distributeurs sans respecter un préavis suffisant.



L'atelier juridique du CEDRE tenait ses assises
dans les locaux du cabinet Vogel & Vogel


Qu’est-ce qu’un préavis raisonnable ? Selon la DGCCRF, il s’agit en général d’un mois par année de relation, mais la jurisprudence adopte souvent un raisonnement différent en adaptant ce délai à la baisse ou à la hausse. En jurisprudence, les préavis les plus importants atteignent 24 mois mais il arrive que, dans certains cas, ces délais soient encore plus longs. Un arrêt de cour d’appel est même allé jusqu’à imposer un préavis de 36 mois (CA Paris, 16 octobre 2008). Il faut également savoir que le préavis peut parfois être doublé quand les produits distribués sont des produits à marque de distributeur.

L’article L. 442-6, I, 5º du Code de commerce prévoit qu’on peut se passer de préavis dans deux cas :
- si l'autre partie n'exécute pas ses propres obligations ;
- en cas de force majeure, par exemple si l’usine est victime d’un incendie et qu’elle ne peut donc plus produire.

La jurisprudence a tendance à interpréter l’exception d’inexécution des obligations contractuelles de façon très restrictive. Un arrêt de la Cour de cassation du 9 juillet 2013 « Hestia » requiert que l'inexécution du contrat soit « particulièrement grave ». Dans cette affaire, un organisme financier utilisant un mandataire pour vendre ses produits financiers avait prévu dans le contrat conclu avec ce dernier qu'il pouvait mettre fin à la relation en cours de contrat si le mandataire n'atteignait pas 80 % des objectifs qui lui étaient fixés en vertu du contrat. Le mandataire n'ayant fait que 40% puis 65% des objectifs l'année suivante, l'organisme financier s'est dit qu'il pouvait, en vertu du contrat, mettre fin à la relation. Il a donc résilié le contrat en cours de route. La Cour de cassation l'a condamné au motif que cela ne constituait pas un manquement suffisamment grave. Il s'est donc vu obliger de verser une indemnité pour le temps écoulé entre la résiliation et la fin du CDD. Cela montre que même des clauses résolutoires de plein droit dans le contrat sont contrôlées. La jurisprudence a tendance à interpréter de plus en plus strictement ce droit. Cela soulève par ailleurs des difficultés de preuve.



II. L’étude, en détails, de la notion de rupture brutale de relations commerciales établies

Il est important de comprendre ce qu'on va appeler « rupture brutale des relations commerciales établies ».

a. La notion de « relation commerciale »

Au départ, l'idée du législateur était de protéger les fournisseurs de la grande distribution. Aujourd'hui, le texte permet d'appréhender toutes les relations commerciales. Pendant un temps, il a même été appliqué à des associations, médecins, architectes, etc. Toutefois, la jurisprudence a opéré un recul. Elle a tendance désormais à recentrer l'application du texte aux relations réellement commerciales (impliquant des producteurs, commerçants, artisans en tant qu’auteurs de la rupture) ; le juge ne protège donc pas ou plus les médecins, notaires, avocats, conseils en propriété intellectuelle car il considère que ces catégories ne sont pas dans une relation commerciale. Un notaire ou un avocat ne peut, en effet, passer des actes de commerce.


b. La notion de « relation établie »

Cela requiert une certaine durée, stabilité, fréquence de commande. Il y a des cas dans lesquels le juge va considérer qu'un événement, tels qu'une foire, un congrès ou une conférence par exemple, ayant lieu tous les ans, même un jour par an, caractérise une relation commerciale établie.

Toutefois, il existe une nuance. Il ne faut pas que la relation ait été précarisée (arrêt du 14 mai 2013, BMW France c. Taurisson). Mais cette notion peut être assez piégeante, notamment dans le cas d'une succession de CDD. Traditionnellement, si le contrat prend fin, on considère que le cocontractant savait qu'il allait prendre fin, et ce en vertu du contrat. Cette règle vaut encore en général pour le 1er contrat à durée déterminée conclu. En revanche, si le contrat est renouvelé régulièrement, par exemple à 10 reprises, et qu'il dure un an, et si on prévient 3 mois à l'avance, ces 3 mois de préavis ne vont pas être suffisants car, en tout, la relation aura duré 10 ans. Souvent, les opérationnels, notamment, n'en sont pas conscients. On traite le contrat comme s’il s’agissait d’un CDI.




Certaines parties, pour éviter d'être piégées par des relations commerciales établies, ont eu l’idée de lancer sans arrêt des appels d’offre afin de remettre, à chaque fois, les fournisseurs en concurrence.

L’idée est de faire en sorte que ces derniers ne soient jamais sûrs que les relations vont continuer, puisque cela dépend du résultat de l'appel d’offre. Sur ce point, la jurisprudence est assez fluctuante. On constate plusieurs tendances dans la jurisprudence :

Tendance 1 : s’il y a un appel d’offre sans arrêt et si le partenaire n’est jamais sûr d'être renouvelé, notamment car certains appels d’offre ont été perdus, alors le juge considère normalement que le partenaire est dans une relations précaire ;

Tendance 2 : si les appels d’offre sont toujours remportés, alors on considère que le partenaire pouvait légitimement penser que la relation allait se poursuivre, si bien que le juge pourra considérer que la relation n’était en réalité pas précaire.

Cela devient très subtil et subjectif.

Un autre problème vient du fait qu’il faut prendre en compte l’intégralité de la période de relation avec le partenaire. Pour le calcul du préavis, les juges remontent dans le temps. Par exemple, si l’on est en relation avec une société X, il faut vérifier si, avant cette relation avec X, on a eu, par exemple, des relations avec un commerçant en nom propre qui exploitait le fonds et l’a par la suite apporté en société. Dans ce cas, il faut cumuler la durée des deux relations. Cela devient un véritable travail d’archéologie juridique. Certaines activités peuvent durer très longtemps, par exemple dans l’automobile. Dans certains contentieux, le demandeur fait valoir qu’il est en relations depuis près de 100 ans avec son fournisseur.


c. La notion de « rupture »

Si l’on arrête toute relation, c’est une rupture totale mais si la rupture n’est que partielle (par exemple, on décide de diminuer les commandes de 40%), il faut également prévenir le partenaire.

Il existe, toutefois, une exception lorsque cette rupture n’est pas délibérée, par exemple lorsque nos propres commandes baissent de 40%. Dans ce cas, on est en droit de faire baisser les commandes du fournisseur. La rupture se répercute dans la chaîne. Attention toutefois, l’argument de la crise économique ne permet pas à lui seul de rompre partiellement les relations. Un distributeur ne peut diminuer les commandes auprès de son fournisseur, sans respecter un préavis suffisant et en prenant argument de la crise, si ses propres ventes n’ont pas baissé.

Par ailleurs, le changement brutal des conditions contractuelles (changement de marges, de délais de paiement) peut être considéré comme une rupture partielle des relations.




Question d’Olivier Gast : Si l’on insère une clause de hardship pour changer les conditions, est-ce aussi un début de rupture partielle ?

Réponse de Joseph Vogel : une telle clause n’est pas forcément valable. Peut-être que ce contrat peut échapper au droit français car s’il s’agit d’un contrat international avec les Etats-Unis, peut être que la clause attributive de compétence prévoit la compétence des juridictions des Etats-Unis ; dans ce cas, si la société française essaye d'assigner son contractant en France, le juge sera incompétent et c’est le droit américain qui s’appliquera devant le juge américain. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que la clause est valable si elle est rédigée de façon suffisamment large et si elle est bien rédigée (avec application aux relations commerciales) ; si le contrat ne comporte aucune clause ou si elle n’est pas bien rédigée, il est normalement possible de saisir le juge français pour faire valoir éventuellement que la clause de hardship n’est pas conforme à l’article L. 442-6 car trop large. Si la société américaine prouve que le changement des conditions contractuelles n'est pas délibéré, car elle est elle-même victime de raisons commerciales objectives, la société française n’obtiendra pas forcément gain de cause.


d. La notion de « rupture brutale »

La rupture est brutale lorsque la partie qui rompt n’a pas respecté un préavis suffisant eu égard à la durée de la relation.

Si le préavis est long dans le contrat : ce dernier peut être préservé, mais il doit être assez long au regard de la durée totale de la relation. Par exemple, pour une relation de douze ans, un préavis d’un an semble suffisant et un préavis de six mois ne l’est probablement pas. La jurisprudence considère que le préavis contractuel doit être respecté mais qu’il doit aussi être conforme au préavis légal. Il faut donc soit prévoir un préavis suffisamment long, soit donner plus que ce qui est prévu par le préavis contractuel.

Les usages ne permettent pas de déroger à la loi. S’il existe un usage dans un secteur particulier (par exemple le bricolage), il faut respecter l’usage mais aussi la loi.

Parfois, le contrat impose un certain formalisme : là également, il faut le respecter mais il faut aussi respecter la loi. Cela devient assez compliqué.

Pour calculer la durée du préavis, on prend généralement pour première base de calcul un mois de préavis pour une année de relation en modulant le résultat en fonction des circonstances et de la durée. Si la relation a duré très longtemps, le calcul est différent car le juge a tendance à plafonner la durée du préavis, en estimant implicitement que le préavis a pour objet de permettre la reconversion des partenaires et qu’un préavis long le permet en tout état de cause. On regarde également si le partenaire est très dépendant et on adapte la durée. Puis on prend en compte la spécificité de l'activité en cause. Par exemple, dans certains secteurs comme le textile, il faut prendre en compte les saisons. On ne peut pas couper la saison en deux ; il faut aller jusqu’au bout.


 
 
 
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