Atelier du CEDRE mardi 16 novembre 2010 : Analyse du nouveau règlement européen d'exemption des accords de franchise et ses conséquences sur le contrat de franchise





Comment gérer l'exégèse de l'exclusivité territoriale et Internet ?

MARDI 16 NOVEMBRE 2010
  THEME :
 « ANALYSE DU NOUVEAU REGLEMENT EUROPEEN D’EXEMPTION DES ACCORDS DE FRANCHISE ET SES CONSEQUENCES SUR LE CONTRAT DE FRANCHISE »


17h00 : Accueil des participants  

17h15 : Introduction : de l’affaire Pronuptia aux différents règlements européens d’exemption des accords de franchise

Olivier Gast, Président du CEDRE

17h45 : L’esprit du 3e règlement d’exemption et ses lignes directrices
 Me François Farkas, Avocat à la cour, Gast & Associés

18h30: L’évolution de la notion de savoir-faire : ce qui change dans la rédaction du contrat de franchise
Me François Farkas, Avocat à la cour, Gast & Associés

19h00 : Aspects particuliers des clauses internet dans le nouveau règlement européen d’exemption
Me Gilles Menguy, Avocat & Solicitor, Gast & Associés

19h30 : Les prix imposés sont-ils tolérés dans le nouveau règlement d’exemption     
Me Gilles Menguy, Avocat & Solicitor, Gast & Associés

20h00 : Conclusion & Cocktail





Compte-rendu technique de l'atelier du CEDRE du mardi 16 novembre 2010 : Analyse du nouveau règlement européen d'exemption des accords de franchise du 22 avril 2010 et ses conséquences sur le contrat de franchise.

Bref historique :
Depuis le premier règlement CEE du Conseil, en vigueur le 13 mars 1962, relatif à l’application des articles 85 et 86 du traité, à nos jours, les règles de concurrence n’ont cessé d’évoluer à travers les règlements de la Commission mais également la jurisprudence de l’actuelle Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE). Les articles 85 et 86 (aujourd’hui articles 101 et 102 TFUE) permettaient de demander des exemptions individuelles lorsque les effets bénéfiques sur l’économie et les consommateurs l’emportaient sur les effets négatifs de la restriction. Bruxelles exonérait alors en masse les accords qui lui étaient notifiés.

Olivier Gast rappelle que l’affaire Pronuptia rendue en 1986 donna l’occasion à la CJCE d’inclure les contrats de franchise dans le champ d’application des articles relatifs aux pratiques et ententes concertées. A cette occasion, un franchisé interjetant appel, invoqua la violation de l’article 85, paragraphe 1 dans les contrats le liant au franchiseur. La Cour d’Appel allemande considéra les contrats nuls sur le fondement de l’article 85, paragraphe 2. La Cour Suprême allemande saisie du pourvoi formé par la Société Pronuptia décida de surseoir à statuer pour poser deux questions préjudicielles à la CJUE.
-    L’article 85, paragraphe 1 est-il applicable aux contrats de franchise ?
-    Le règlement 67/67 est-il applicable aux contrats en cause ?

La Cour retient que le cumul des clauses obligeant le franchisé à ne vendre que dans le local désigné au contrat et celle concédant l’exclusivité territoriale au franchisé (pesant à la fois sur le franchiseur et les autres membres du réseau) constitue un partage de marché restrictif de la concurrence. Ces restrictions doivent être notifiées à la Commission en vue de leur exemption. Sur la seconde question, la Cour déclare le règlement inapplicable mais énonce que la notification préalable permet la mise en œuvre des dispositions favorables de l’article 85 paragraphe 3.

Olivier Gast souligne que la CJUE, tout en essayant de limiter la portée de son arrêt, a mis en lumière les principales caractéristiques du contrat de franchise, et a notamment reconnu le concept de « know-how » ou de savoir-faire. Il poursuit en rappelant la définition retenue en 1986 :
« Dans un système de franchises de distribution tel que celui-là, une entreprise,  qui s’est installée dans un marché comme distributeur et qui a ainsi  pu mettre au point un ensemble de méthodes commerciales, accorde, moyennant rémunération à des commerçants indépendants, la possibilité de s'établir dans d'autres marchés en utilisant son enseigne et les méthodes commerciales qui ont fait son succès. Plutôt que d'un mode de distribution, il s'agit d'une manière d'exploiter financièrement, sans engager de capitaux propres, un ensemble de connaissances ».

Les règlements précédents retenaient que le savoir-faire doit être écrit, confidentiel et substantiel.  Compte tenu de ces éléments, la jurisprudence appréciait in concreto la validité des contrats de franchise au regard de l’existence d’un savoir-faire. Qu’en est-il du nouveau règlement ?

Entrée en vigueur au 1er juin 2010, le règlement se décrypte au moyen des lignes directrices, parues le 19 mai 2010, qui, bien que n’ayant pas de valeur juridique, ont pour but « d’aider les entreprises à évaluer elles-mêmes les accords verticaux au regard des règles de concurrence de l’Union européenne ».
Revenant sur les exclusions du champ d’application du règlement, François Farkas souligne que, l’inquiétude initiale de certains de voir exclu le contrat de franchise des bénéfices du nouveau règlement au regard de la nouvelle définition du savoir-faire comme constituant un droit de propriété intellectuel (DPI), se dissipe à la lecture des lignes directrices. Le point 31 (c) des lignes directrices limite cette exclusion aux contrats dont les DPI constituent l’objet principal de l’accord. S’il est toujours reconnu que le savoir-faire constitue un élément important du contrat, il n’en constitue pas le seul élément essentiel, notamment au regard de l’obligation d’assistance.

Le nouveau règlement quant à lui, assouplit la définition du savoir-faire doit être « utile » et « significatif ». Cet assouplissement de la notion de savoir-faire qui n’est plus considéré comme « indispensable » à l’exploitation du concept devrait en pratique aboutir à une réduction du nombre de contrats de franchise déclarés nuls pour défaut de savoir-faire.


DISPOSITIONS AYANT TRAIT A L'INTERNET : Les lignes directrices posent le principe  pour tout fournisseur d’un droit « d’accès à internet ». En conformité avec la position adoptée en France par le Conseil de la Concurrence, la vente sur internet devient donc un mode « normal » de vente.

Par une décision du 29 octobre 2008, le Conseil de la Concurrence a estimé contraire au droit de la concurrence la clause interdisant aux distributeurs agréés de la société Pierre Fabre Dermocosmétiques, de vendre des produits sur Internet. Il en a ordonné la suppression. Malgré les justifications du franchiseur, au regard de la nature luxueuse des produits vendus nécessitant un service particulièrement rigoureux, le Conseil s’est opposé au maintien de telles clauses, considérant qu’il était possible de satisfaire aux exigences de la clientèle via internet.

Les lignes directrices précisent que dans l’intérêt du réseau, le fournisseur pourrait exclure l’exploitation qui serait réservée exclusivement à la vente en ligne. La condition sine qua non reste d’allier point de vente physique et virtuel.

Par principe, toute clause réduisant l’accès à internet est déconseillée mais lorsque l’intérêt du réseau le justifie et sous réserve des exigences de bonne foi, des aménagements peuvent être admis.

La Commission accorde la possibilité d’exiger un rapport de proportionnalité entre les ventes physiques et les ventes en ligne mais n’entend pas cette restriction comme une possibilité de limiter la quantité de ventes en ligne et conditionne cette proportionnalité à un critère objectif.   En tout état de cause, le règlement d’exemption nécessitera une interprétation cruciale de la CJUE sur de nombreux points quand au sujet de l’accès à internet au sein des réseaux de franchises.Comment gérer l?exégèse de l?exclusivité territoriale et Internet ?

Gilles Menguy rappelle que selon le Conseil de la Concurrence, internet est un mode normal de vente. Pour la CJUE, il tend à le devenir. La question soulève des difficultés en matière de contrat de franchise.

Dorénavant, la Commission considère le principe de vente par internet comme étant  de nature passive et permet au franchisé de recevoir des commandes « non sollicitées ». Aucune restriction à ce principe ne peut devrait être tolérée.

Par vente active, on entend le fait de prospecter des clients individuels, le fait de prospecter une clientèle donnée sur Internet. Le droit communautaire permet d’interdire ce type de ventes.

En conséquence de ces éléments, on peut raisonnablement recommander les éléments suivants :
Dès que le franchiseur prend l’initiative d’orchestrer et structurer un dispositif central de vente sur internet, il doit mettre en place un espace dédié pour chaque franchisé.

Pour organiser le développement de la structure internet centrale, il est nécessaire de tenir compte de la liberté du client de choisir le franchisé avec lequel il souhaite contracter. Cette approche conduit à recommander de mettre en place un site internet de type « portail ».

« Autant de détails et interrogations qui nécessitent les plus grandes précautions, l’état de la jurisprudence ne permettant pas de trancher définitivement en faveur de l’une ou l’autre des solutions développées » conclut Gilles Menguy :

1.    Chaque franchisé doit-il avoir son espace dédié ?
La gestion des commandes étant une lourde tâche, les franchisés auraient tout intérêt à profiter de la mise en œuvre d’un système centralisé des commandes autant que des profits.

2.    Quel mécanisme de répartition des gains faut-il choisir afin de répartir les revenus perçus dans le cadre des ventes sur internet ?
Le mécanisme de répartition des profits serait, à titre d’exemple, le partage des profits qui s’appuie sur le principe d’exécution de bonne foi des contrats. On peut notamment envisager que le franchiseur organise le réseau et qu’il conserve à ce titre, une participation couvrant les frais de mise en place et de gestion du site.

Aux Etats-Unis, certains opérateurs débutent leur activité par une première phase d’exploitation d’un site marchand, puis, après le succès de leur activité d’e-commerce, lors d’une seconde phase, ils envisagent la mise en place de magasins et points de vente physique.
Le développement de la puissance d’Internet conduira inévitablement à une inversion du processus dans les années à venir telles qu’observées aux Etats-Unis.
Un intervenant souligne que certains réseaux ont choisi de mettre en place une structure de type associative entre les franchisés, laquelle est dédiée à l’opération et l’exploitation des sites internet. Ce processus présente l’intérêt d’intéresser les franchisés au développement du réseau sur internet en leur permettant d’agir en qualité d’ « apporteur d’idées ».

Olivier Gast appelle toutefois à la vigilance, ce mécanisme peut constituer une dérive vers la « co-franchise » et peut se révéler difficile à gérer car il nécessitera souvent la rédaction de nombreux actes complexes (pacte d’actionnaires, statuts de la structure dédiée …).

La dématérialisation du savoir-faire et spécifiquement dans certains domaines nous conduit à ce type de développement.

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