La protection de la marque et le site internet





La société Hugo Boss, titulaire des marques Boss et Hugo Boss, agissait contre une société allemande exploitant un site comportant diverses reproductions non autorisées des marques. Elle reprochait à la Cour d’appel d’avoir refusé de liquider l’astreinte fixée par un jugement de juin 2000 ayant interdit à la société poursuivie tout usage contrefaisant des marques en cause. La Cour d’appel avait en effet jugé que l’usage des marques sur le site ne constituait pas une infraction à l’interdiction d’exploitation sous astreinte pour le motif que le site, rédigé en langues étrangères, proposait la vente de produits, cependant non disponibles en France, si bien qu’il devait être considéré comme ne visant pas le public en France. La Cour d’appel avait donc décidé, implicitement tout au moins, que les actes litigieux ne pouvaient être qualifiés de contrefaçon faute d’entrer dans le champ territorial couvert par les marques invoquées.

Tout d’abord, il faut rappeler que la protection de la marque est strictement territoriale. C’est-à-dire qu’une personne qui est titulaire d’une marque en France n’est protégée des actes de contrefaçon que sur le territoire français.
La question qui se posait dans l’affaire Hugo Boss était de savoir dans quels cas l’usage d’un signe sur le réseau et en particulier sur les pages d’un site, par hypothèse accessible dans tous les pays du monde, peut constituer la contrefaçon d’une marque produisant effet sur le seul territoire français. La reproduction ou imitation de la marque sur le site d’un opérateur établi à l’étranger peut-elle, avec certitude, être considérée comme tombant sous le coup des prérogatives du titulaire de cette marque ? La doctrine s’est jusque-là peu penchée sur cette importante question.

La Cour suprême a rejeté le pourvoi du titulaire de la marque Boss et Hugo Boss au motif que le site Internet ne saurait être considéré comme visant le public en France, et que l’usage des marques Boss dans ces conditions ne constitue pas une infraction, dès lors qu’il se déduit des précisions apportées sur le site lui-même que les produits en cause ne sont pas disponibles en France.

Cette décision tempère les inquiétudes qu’avait suscitées l’arrêt Roederer rendu par la première Chambre Civile de la Cour de cassation le 9 décembre 2003, accordant aux marques une protection manifestement excessive. En effet une solution inverse, en l’espèce, aurait conduit à considérer que la contrefaçon de la marque française est constituée dès que le site litigieux est accessible en France, conférant ainsi une protection excessive aux titulaires de marque et, par voie de conséquence, placerait les exploitants de sites étrangers utilisant des signes distinctifs dans une situation de grave insécurité juridique en les exposant trop systématiquement à des actions en contrefaçon de la part de titulaires de marques dans d’autres pays et en France en particulier.

Il ressort de cet arrêt qu’une marque française ne peut être contrefaite par sa reproduction ou imitation sur un site étranger que si celui-ci « vise » le public français.

Toutefois, lorsqu’un opérateur de commerce électronique ne vise que la clientèle d’une certaine zone géographique, le plus sûr est qu’il l’indique clairement sur le site afin que celui-ci ne puisse pas être considéré comme visant d’autres zones et que l’exploitant se trouve à l’abri de droits de marque y produisant effet.


Chambre Commerciale de la Cour de cassation, 11 janvier 2005 (aff. Hugo Boss)
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